Conférence : « Le monde occidental face à un changement de paradigme »

Sep 23 2024

Par Yves Gernigon, président du Parti Fédéraliste Européen

Ce sujet force à nous interroger sur l’avenir de notre civilisation occidentale et notamment européenne. Le sujet est grave car nous savons que le cours de l’Histoire est constellée de civilisations disparues. Il reste à espérer que nous n’aurons pas le triste privilège d’assister au déclin de notre propre civilisation.

A l’occasion de ce débat, je voudrais évoquer deux points qui me semblent particulièrement importants pour l’avenir de l’Occident : la fin de l’hégémonie de notre modèle politique et la question préoccupante des migrations.
Enfin je conclurai par une note positive en soulignant que rien n’est perdu si l’Occident sait se souvenir de sa culture et protéger sa civilisation.

Le système politique occidental n’est plus le modèle de référence.

Le modèle politique occidental dominait la scène internationale depuis des siècles. Selon Francis Fukuyama, l’État de droit, la démocratie libérale et la protection des droits de l’Homme – les bases de notre système politique – étaient hégémoniques depuis la fin de la seconde guerre mondial. Cette suprématie semblait s’être encore renforcée depuis la chute de l’URSS.

Aujourd’hui, le monde occidental est confronté à un forte contestation de son modèle politique par les Nations du Sud global. C’est la fin des illusions pour l’Occident. Notre modèle occidental n’est plus plébiscité par les nations du monde.

Par exemple, les milliards déversés en Afghanistan pendant près de vingt ans pour construire un État et une démocratie libérale l’ont été en pure perte. Le retour rapide et sans opposition des Talibans a démontré que le modèle occidental n’est pas transposable dans un pays où les habitants n’en veulent pas. On ne fait pas le bonheur des gens malgré eux.

Le modèle autocratique, influencé par la Russie ou la Chine redessine aujourd’hui l’ordre international. Il promet une stabilité dans des pays qui connaissent des désordres politiques chroniques, désordres qui s’avèrent désastreux pour leur économie et la prospérité de leurs peuples.
Le modèle théocratique est également en expansion. Depuis l’apparition des Frères musulmans dans les années 1920 jusqu’à la révolution chiite iranienne de 1979, le modèle théocratique est porté par un nombre croissant d’organisations politiques au sein de l’Oumma.

En Afrique, l’État de droit et la démocratie libérale, hérités des puissances coloniales, tend à disparaître au profit des nouveaux modèles autoritaires ou théocratiques.
Lors de la colonisation, les systèmes tribaux ancestraux avaient été supplanté par l’État moderne occidental. Or aujourd’hui, celui-ci est souvent perçu comme inefficace car défaillant et incapable d’administrer des territoires souvent très éloignés des centres de décision.
Le système coutumier fait donc un retour en force car il apporte des solutions immédiates à des questions, par exemple, de justice ou de solidarité.
De plus l’État moderne, aux yeux des Africains a généré une corruption généralisée. Ce qui rend impossible une économie dynamique et l’émergence d’une classe moyenne, base de stabilité et de prospérité pour un pays.
Cette corruption généralisée est citée par les Africains comme la première des causes qui les poussent à migrer en Europe ou en Amérique du Nord.

S’agissant des questions migratoires, les flux se sont inversés.

L’Occident pendant des siècles a exploré et colonisé les cinq continents et a fondé en Amérique et en Océanie de nouveaux États à son image. Aujourd’hui de colonisateur, l’Occident est devenu la cible de flux migratoires incontrôlés. D’une immigration voulue qui a participé à l’expansion économique occidentale du 20e siècle nous sommes passé à une immigration subie.

Aux USA, la réélection de Donald Trump a remis au goût du jour la construction d’un mur le long de la frontière avec le Mexique censé endiguer les flux de migrants venus d’Amérique centrale et du Sud.

En Europe, la pression migratoire reste extrêmement tendue. Le phénomène ne devrait pas faiblir car l’Afrique, région principale des départs, voit sa population doubler tous les trente ans. En 2015, les flux ont connu une dynamique phénoménale qui n’épargne aujourd’hui aucun pays de l’UE.
Désormais, les migrants ne passent plus seulement par la Méditerranée, mais par des routes plus septentrionales : la Finlande, la Pologne, les pays baltes voient leurs frontières violées par des clandestins, il est vrai avec la complicité de pays voisins hostiles comme la Biélorussie.
Cette immigration incontrôlée a définitivement changé la composition des sociétés européennes, de l’Ouest. Celles des pays d’Europe centrale et orientale étant pour l’instant épargnées.

Le débat public s’est emparé de la question de l’intégration des étrangers, malgré le déni et les anathèmes d’une frange politique agitant le racisme ou « l’islamophobie » pour tuer le débat.
En majorité musulmans, les migrants ne suivent plus la même trajectoire d’intégration que les précédentes vagues d’étrangers. Il faut dire que l’intégration réussie de ces précédentes vagues reposait sur le partage d’une culture commune européenne et chrétienne avec les sociétés d’accueil.

Dans les pays où les communautés musulmanes sont très importantes (France, Belgique, Suède,) l’intégration n’est plus à l’ordre du jour. Les positions se sont radicalisées. Les leaders musulmans les plus écoutés exigent désormais que nos sociétés deviennent multiculturelles. Ils revendiquent que leur soient appliquées des législations et des pratiques sociales différenciées basées sur la Charia (port du voile, traitement inégalitaire homme/femme, etc). Ces revendications sont parfaitement en phase avec leur communauté. Selon les sondages la majorité des jeunes place les valeurs coraniques au-dessus de la Constitution du pays dans lequel ils sont nés.

Ces exigences politiques entrent en conflit avec les sociétés européennes qui ne sont pas construites sur un modèle multiculturel – à la différence des USA. Nos sociétés s’appuient sur une communauté nationale homogène, fruit d’une longue histoire et qui promeut notamment l’égalité homme/femme.
Il est clair désormais que la cohabitation dans un État, entre deux cultures aussi éloignées s’avère impossible.
Partout en Europe de l’Ouest, sont en train de naître des sociétés balkanisées, de plus en plus teintées d’une culture islamique, des sociétés où chacun vit dans l’entre soi.
Personne n’est capable de prédire la fin de l’histoire. Peut-être que cette communauté musulmane, cohérente, dynamique démographiquement pourrait un jour supplanter la civilisation européenne.

Alors que faire ?

Nous devons et pouvons agir mais dans quel sens ? Dans l’immédiat des solutions évidentes et qui ne dépendent que de nous peuvent être mises en place.
L’UE doit mettre en place des frontières externes et les États doivent redynamiser leur démographie en berne. Cette étape devra s’accompagner d’un message vivifiant. Combattons les pensées pessimistes brandies par les factions gauchistes et wokistes qui culpabilisent l’Occident et qui minent la confiance dans le futur de nos sociétés.

La démocratie doit être revivifiée. Au lieu de prononcer de longues tirades exhortant Téhéran, Kaboul ou Pékin à choisir la démocratie libérale, exigeons davantage de démocratie dans nos propres sociétés. Il faut en finir avec le gouvernement des élites et écouter réellement les peuples.

En conclusion, je dirais qu’une civilisation peut se remettre de la perte de leadership économique ou technologique, mais pas de la perte de ses racines.
C’est l’exemple de la Chine qui – colonisée au 19e siècle, pliant sous le poids d’une administration pléthorique, orpheline de son leadership technologique – n’a jamais perdu le fil de son histoire et de sa culture. Tout cela fait qu’en ce début de XXIe siècle, elle est redevenue une puissance mondiale.
Il est clair que le premier pas vers le redressement se fera avant tout par une croyance absolue en la beauté et l’excellence de notre civilisation européenne.


Ce texte est la transcription d’une intervention qui a été donnée lors d’une conférence tenue au 33e Forum Économique de Karpacz en Pologne

« Face à des changements géopolitiques, économiques et sociaux dynamiques, le monde occidental est confronté à de nombreux défis. Du progrès technologique au changement climatique, des migrations à la mondialisation, le paysage actuel nécessite de nouveaux paradigmes de pensée et d’action.
Lors de notre panel de discussion, des experts souligneront les problèmes clés auxquels le monde occidental doit faire face.
Nous discuterons également des stratégies d’adaptation possibles et des approches innovantes qui peuvent nous aider à devenir plus agiles et plus résiliants face au changement. »

Intervenants :

Jaroslaw Szczepanski, Associate Professor Academy of Justice, Poland – Moderator

Yves Gernigon, President, European Federalist Party, France

Francesco Giubilei, President, Nazione Futura, Italy

Tomasz Grzegorz Grosse, Professor, University of Warsaw, Poland

Michal Kaminski, Deputy Speaker Senate of the Republic of Poland, Poland

Piotr Arak, Chief Economist VeloBank S.A., Poland

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