Arménie, Ukraine, Kazakhstan : que fait l’Europe ?

Feb 17 2022
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Le Kazakhstan, république autoritaire d’Asie centrale, a été récemment secoué par un important mouvement de contestation et des troubles sur fond de crise sociale et politique. Le bilan humain est lourd : plusieurs dizaines de morts et plus de 8000 citoyens arrêtés.

« La Russie considère l’Asie centrale comme faisant partie de son aire d’influence naturelle. »

Le constat géopolitique est également sans appel : la Russie considère l’Asie centrale comme faisant partie de son aire d’influence naturelle, comme en atteste l’envoi de troupes russes pour mater ce que le régime qualifie de « tentative de coup d’état« . Le soutien de Pékin aux mesures radicales du président kazakh (qui a autorisé la police à « tirer pour tuer », s’inscrit également dans le contexte d’une percée de l’influence chinoise dans la région. L’autre constat majeur de cet épisode tragique est l’impuissance géopolitique de l’UE, réduite à des éléments de langage et des déclarations pacifistes sans effet telles que l’appel de Mme. von der Leyen à la « fin des violences » ou l’expression de la « préoccupation » de M. Borrell. 

Le manque d’engagement concret des instances européennes dans les questions géopolitiques s’est également observé lors des récents conflits ukrainien et arménien. Si, dans le premier cas, la France et l’Allemagne, en tant qu’États, ont joué le rôle de facilitateurs des négociations, l’absence d’une voix européenne forte a été criante. Elle l’a été davantage lors de la guerre du Haut-Karabagh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Pire, des États de l’UE ont adopté des positions totalement contradictoires : la Grèce et Chypre ont ainsi soutenu l’Arménie, tandis que l’Azerbaïdjan recevait l’appui du gouvernement hongrois. 

« L’Europe joue davantage un rôle de prêcheur que d’acteur sur la scène internationale. »

La raison principale de ce laxisme réside dans l’impuissance géopolitique et militaire de l’UE, réduite – faute d’unité et vision stratégique – à un rôle de puissance normative qui édicte des normes se voulant universels et qui se cantonne à de pieuses déclarations (« condamnations fermes », « appels à la désescalade ») dans les grandes crises géopolitiques. De fait, l’Europe joue davantage un rôle de prêcheur que d’acteur sur la scène internationale.

Nous disposons pourtant de plusieurs outils qui peuvent contribuer à faire de l’Europe une véritable puissance géopolitique : un haut représentant européen aux affaires étrangères, un Conseil de l’Europe où figurent des pays extérieurs à l’UE (Turquie, Russie, Ukraine, etc.), une coopération militaire croissante entre les États membres de l’UE, un Parlement apte à adopter des sanctions économiques et politiques, etc.

Ces outils ne sont toutefois pas suffisants pour garantir à l’Europe une place de premier plan dans le concert international. L’UE doit devenir une véritable fédération d’États, avec à sa tête des institutions confédérales dont la diplomatie et la politique étrangère constitueraient le ressort exclusif. Le remplacement des ambassades d’États par des ambassades européennes uniques à travers le monde est la suite logique et salutaire de cette vision fédéraliste. De telles mesures sont en effet à même de garantir une voix européenne unique et forte dans le monde et d’éviter que deux États membres de l’UE adoptent des politiques antinomiques, fragilisant par là l’unité et la souveraineté européenne. Dans cet esprit, nous demandons que l’UE puisse figurer comme un seul État parmi les membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU.

« Nous demandons des instances fédérales aux délimitations précises afin de doter l’Europe d’interlocuteurs géopolitiques. »

Il est également nécessaire d’en finir avec la pléthore d’instances bureaucratiques qui participent à la confusion institutionnelle et de les remplacer par des instances fédérales aux délimitations précises afin de doter l’Europe d’interlocuteurs géopolitiques clairs pour les autres États.

– Un Parlement européen bicaméral : une chambre basse représentant la supra-nation européenne, la chambre haute représentant à égalité les États fédérés. Parmi les attributions géopolitiques de ce Parlement figureraient l’adoption de sanctions politiques et économiques, la déclaration de la guerre et l’adoption de traités de paix.

– Un Président fédéral européen élu au suffrage universel direct, commandant en chef des armées européennes, garant de l’unité européenne, nommant et révoquant – avec l’accord du gouvernement – les ambassadeurs et diplomates représentant l’UE dans le monde.

– Un Gouvernement fédéral (en remplacement de la Commission actuelle) nommé par le Président et confirmé par la chambre basse du Parlement. Parmi ses composantes devra figurer un véritable Ministère des Affaires étrangères européen dont les administrations comprendront le service diplomatique européen composé des ambassadeurs et autres diplomates mandatés pour représenter l’Union européenne et porter sa politique étrangère.

Enfin, le réalisme qui régit les rapports entre les puissances fait en sorte qu’un État tenant à occuper une place d’acteur majeur sur la scène internationale doit se doter d’une force militaire et d’un service d’intelligence à même d’assurer sa défense et sa sécurité. Nous demandons donc :

– la transformation d’Europol en une véritable police fédérale européenne ayant mandat sur tout le territoire européen pour exercer les attributions relatives aux infractions fédérales définies par la loi.

– la transformation de l’agence Frontex en une police des frontières européennes dotés de moyens idoines pour assurer la défense des frontières extérieures européennes.

– la création d’une force de défense européenne commune selon les termes définis par la loi.

– la création d’un service de renseignement extérieur européen.

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